La facade nord de l'Hôtel des Invalides
La façade nord de l'Hôtel est une parfaite illustration du style classique français au commencement du règne personnel de Louis XIV. Le décor n'est pas terminé à la mort du roi, mais les réalisations ultérieures respectent les projets initiaux.
Le lieu en lui-même...
Libéral Bruant, l'architecte choisi pour la construction des Invalides, édifie cette imposante façade nord qui s'étire sur 100 toises du Châtelet (environ 195 m) et culmine à 22 m de hauteur en son pavillon central. Les lignes horizontales dominent, suivant un agencement symétrique rigoureux. Cependant, les pavillons (d'angle et central), le rythme et les variations des séries d'ouvertures, la diversité des corniches évitent toute sensation de monotonie.
L'ornementation est diffusée sur les frontons des pavillons d'angle et sur les toits où alternent les pots-à-feu et les lucarnes richement encadrées de trophées sculptés en relief dans la pierre.
Le pavillon central qui donne accès à la cour royale forme un impressionnant arc triomphal. Sa voûte est soulignée d'une guirlande de trophées dont le point culminant est un soleil à visage humain (directement lié à l'emblématique personnelle du Roi-Soleil). Il surmonte un groupe sculpté, projeté sous cette forme dès 1677, mais réalisé par Guillaume Coustou en 1732-1733. Louis XIV y est représenté en imperator romain. Sur le socle, une inscription en latin rappelle le rôle du roi dans la fondation des Invalides : Louis le Grand, par munificence royale pour ses soldats et prévoyant pour la suite des temps, a fondé cet édifice en l'an 1675. Deux vertus assises de chaque côté du socle, la Justice et la Prudence, valorisent la sagesse du souverain.
Le mascaron dominant la porte d'entrée figure la tête de Hercule, entourée de la dépouille du lion de Némée, le premier des monstres vaincus par le demi-dieu lors de ses douze travaux. Depuis Henri IV (grand-père de Louis XIV) notamment, le roi de France est associé à l'image du héros exterminateur de monstres.
À gauche et à droite de l'entrée, s'élèvent les deux statues de Arès-Mars, dieu des activités guerrières, et de sa soeur, Athéna-Minerve, déesse de la sagesse et de la guerre. Elles constituent deux images traditionnelles de la guerre dans le répertoire classique de la mythologie gréco-romaine. Les statues d'origine, installées en 1732-1733, très dégradées, ont été remplacées par des répliques au début des années 1960.
Le tympan de la porte en bois donnant accès à la cour royale est sculpté de l'emblème monarchique des rois de France depuis le XIIIe siècle : un écusson à trois fleurs de lys sur fond azur (dans le code héraldique, l'azur, si la couleur n'est pas disponible, est rendu par des stries horizontales, ici taillées dans le bois).
Le lieu nous raconte...
Libéral Bruant (1636-1697), issu d'une famille qui compte plusieurs architectes, obtient la charge d'architecte du Roi en 1663 et devient membre de l'Académie royale d'architecture dès sa fondation en 1671. Lorsque ses projets sont retenus pour l'édification de l'Hôtel, il a déjà réalisé des plans pour l'hôpital de la Salpêtrière à Paris et ceux du château de Richmond, en Angleterre, pour le duc d'York. Son style est caractéristique du classicisme élaboré par les architectes français et que le pouvoir encourage, au début du règne de Louis XIV, en réaction aux influences baroques venues d'Italie. Il puise son inspiration dans l'art antique, dont il retient le sens des proportions, les compositions symétriques et équilibrées, les lignes simples et sobres. Le décor doit correspondre, lui aussi, à un idéal d'ordre et de raison.
L'ornementation, soigneusement conçue, de la façade nord intègre des éléments propres aux activités militaires et rend hommage au roi fondateur de l'Hôtel. Là encore, elle emprunte largement aux sources antiques (divinités, héros, allégories qui magnifient les vertus royales). Les savants et les artistes des académies ont défini les critères du " bon goût " concernant la représentation royale : le roi est valorisé par rapport aux autres figurations, ses traits, reconnaissables, montrent un visage impassible ; il maîtrise avec aisance sa monture, conservant une attitude mesurée et majestueuse. Il est ici vêtu en imperator romain, comparé à Auguste, référence impériale et antique par excellence.La façade nord constitue à la fois un modèle d'architecture classique et une représentation du pouvoir royal tel que Louis XIV le conçoit. Elle réunit trois thèmes qui seront développés, de diverses manières, dans tout le reste de l'Hôtel : les fleurs de lys royales, les trophées de guerre associés à la gloire militaire du roi et l'emblématique personnelle de Louis XIV.