Gary Hoffman et Jean-Philippe Collard
Ces deux véritables icônes de la musique interprètent l’Élégie de Fauré, sa 2e sonate, et son Chant funéraire. S'invitent également des œuvres de Hindemith et la sonate poignante d’Honegger, alternant moments sombres, méditatifs et impétueux.
Peu après son séjour en Allemagne, où il rencontre Liszt et découvre la Tétralogie de Wagner, Fauré compose cette émouvante Élégie, aux accents de lamento et de marche funèbre. Datant de 1921, sa 2e Sonate d’écriture très dépouillée intègre, dans son Andante, un Chant funéraire, précédemment écrit par Fauré en réponse à une commande de l’État français, en vue de la cérémonie commémorative, organisée pour le centenaire de la mort de Napoléon. Son bouleversant 6e Nocturne pour piano seul s’inscrit entre deux œuvres du compositeur allemand Hindemith : sa Sonate pour violoncelle seul aussi spirituelle que rythmée et sa Trauermusik, musique funèbre spontanément écrite le 21 janvier 1936, à la mort du roi Georges V du Royaume-Uni et immédiatement diffusée en concert par la BBC. Véritable chef-d’œuvre d’Honegger, sa sonate successivement sombre, méditative et impétueuse, conclut ce programme, offert par deux véritables icônes consacrées, au titre de leurs instruments respectifs : le violoncelle et le piano, Gary Hoffman et Jean-Philippe Collard ayant tissé une si étroite connivence musicale l’un avec l’autre que la sensibilité émanant de leur interprétation en devient véritablement fusionnelle
Programme
Fauré, Élégie, opus 24, pour violoncelle et piano,
Fauré, Sonate no 2 en sol mineur, opus 117, pour violoncelle et piano
Hindemith, Sonate opus 25 no 3, pour violoncelle seul
Fauré, Nocturne no 6 en ré bémol majeur, pour piano
Hindemith, Trauermusik, Suite pour violoncelle et piano
Honegger, Sonate pour violoncelle et piano
Distribution
Jean-Philippe Collard, piano
Gary Hoffman, violoncelle
Jean-Philippe Collard
Jean-Philippe Collard appartient à cette catégorie d’artistes qui se déplacent dans l’espace comme ils jouent : les gestes mesurés effleurent les lumières jusqu’à ce qu’il s’installe devant l’instrument. Le pianiste est venu écouter ceux qui sont venus l’entendre. Sa proposition est celle d’un dialogue sans parole. Juste par le regard puis le son. Une infinité de sons. Cette connivence si particulière dissimule tout le travail préparatoire d’avant-concert : l’oubli de la nervosité – que les après-midis sont longues avant l’entrée sur scène ! – la domination d’un corps impatient, la canalisation du courage, la maîtrise des ultimes instants avant le saut dans le vide, c’est selon. Il est nécessaire, dit-il, « d’être aspiré par la musique, être apaisé pour retrouver le chemin de la spontanéité et capter le public ». Transmettre et révéler la beauté de la musique dépasse la nature d’une passion : la démarche est de l’ordre de la nécessité vitale pour laquelle il faut se résoudre à partager ses propres émotions, sans désir de conquête en retour. Une offrande, immense, après des centaines de concerts et plus d’une soixantaine d’enregistrements. « Il faut toucher au cœur et ne pas trop intellectualiser les œuvres labourées depuis des années » affirme aussi l’interprète. Elles composent une prodigieuse récolte, les fruits du romantisme, de Chopin et de Schumann, prolongée jusqu’à Rachmaninov et embellie de deux siècles de musique française. Tous les mondes sonores de Jean-Philippe Collard sont imprégnés de couleurs, cette « sensation que produit sur l’organe de la vue, la lumière diversement réfléchie par les corps » propose le dictionnaire Littré avec une perception épicurienne inhabituelle dans un tel ouvrage et, pourtant, si familière chez un pianiste qui se dit, précisément, « affamé de couleurs ». Mais pas n’importe lesquelles. Gourmet des pigments, l’artiste sait ce qu’est la nuance en toute chose, lorsque les paysages sonores au tempérament mesuré résonnent dans l’irisation des arpèges et la caudalie des accords. Quand il se remémore son apprentissage auprès de Pierre Sancan, l’amitié de Vladimir Horowitz puis ses rencontres dans le monde entier aux côtés du gotha des chefs et des plus grands orchestres, Jean-Philippe Collard sait qu’il peut tout dire au public. Alors, il a rendu hommage aux dieux des couleurs, ses compositeurs.
Gary Hoffman
« On joue comme on est ». Ces quelques mots ont rarement paru aussi justes dans le cas de Gary Hoffman.
Face au public et à ses étudiants de la Chapelle musicale Reine Elisabeth de Belgique ainsi que des plus prestigieux campus américains, il ne vient pas délivrer un message. Il se tient devant nous, nullement pour nous plaire. Il joue par nécessité, parce que la musique et la vie ne font qu’un. Cela parait si simple dans un monde noyé d’images, de slogans et de prises de positions.
Comme tout poète de la scène, Gary Hoffman assume très tôt ses choix. De ses parents, tous deux musiciens professionnels puis de ses professeurs, Karl Fruh à Chicago et plus encore, de Janos Starker, il ignore la compromission. L’obtention du Premier Grand Prix Rostropovitch, à Paris, en 1986 lui a ouvert des portes. Pour autant, il n’a jamais transigé sur ses choix artistiques.
Il joue pour être lui-même. Les règles s’imposent naturellement : maîtriser la technique et entrer pas à pas dans l’univers d’une œuvre. Mais dans quel but ? C’est bien au-delà de la perfection qu’il faut chercher… Car c’est lorsque son jeu éveille la beauté d’une phrase et qu’il en fait partager la lumière, que l’artiste est comblé. A ses yeux, le culte de l’efficacité et de la puissance ne s’impose jamais devant l’expression de la beauté, celle qui le nourrit depuis sa jeunesse quand il écouta les plus grands musiciens et qu’il découvrit le cinéma et la peinture, ses autres passions. Bâtir une philosophie de la vie grâce à l’art : existe-t-il plus noble ambition ?
Il joue pour transmettre le respect absolu de la partition, mais aussi la remise en cause de la tradition. Admirer n’est pas s’asservir. Ses enregistrements chez La Dolce Volta en témoignent. Entrer sur scène ou observer le micro qui capte l’onde, c’est avoir déjà pensé, ne s’être interdit aucune réflexion, même à contre-courant des modes du temps présent. Aux jeunes musiciens, il transmet le goût du doute, de la curiosité et du risque, depuis le grand répertoire jusqu’à la création. Pourquoi sommes-nous séduits par tant d’artistes du passé dont on reconnaît bien volontiers, aujourd’hui, l’imperfection du jeu ? Comment ne pas déjà chanter intérieurement avant même de poser l’archet sur les cordes du violoncelle, d’autant plus que celui qui l’accompagne est le Nicolo Amati de 1662 ayant appartenu à Léonard Rose ?
Il joue pour un idéal, depuis ses débuts au Wigmore Hall de Londres, à l’âge de 15 ans : servir le compositeur par une proposition, sa proposition. Dès lors, impossible de se mentir à soi-même sous le regard d’un Pablo Casals ou d’un Arthur Rubinstein. Gary Hoffman évoque l’un des moments les plus bouleversants de sa vie : lorsqu’il vit le pianiste traverser la scène pour aller au clavier. Le simple mouvement de son corps dans l’espace devint l’essence même de son existence, le prélude à l’indicible. C’est le silence, ce refuge entre les notes qui fait exister la musique. Elle se suffit à elle-même, elle calme les douleurs de la vie. Gary Hoffman ne fait pas de différence entre le mot et la vibration de la corde … Tout n’est que délicieuse confusion et merveilleuse imprévisibilité. Comme la vie.
Important
Accès unique pour les concerts de 20h par le 129 rue de Grenelle (Face au pont Alexandre III).
Il est nécessaire d'acheter ses billets à la billetterie sur place de 10h à 17h30 ou en ligne
Réservations des concerts 2024-2025
- Ouverture des abonnements dès le 23 mai, et jusqu’au 30 septembre 2024.
- Ouverture des ventes à l’unité à partir du 11 juillet 2024.