Des collections sans cesse enrichies autour de de quatre grandes thématiques

Quels partis pris sous-tendent la politique d’acquisition du musée de l’Armée ? L’Écho du Dôme, qui informe régulièrement ses lecteurs de l’entrée de nouvelles pièces dans les collections, a tenu à traiter ce pan fondamental de la vie de l’établissement.

En préambule, il est nécessaire de rappeler l’extrêmediversité des collections de ce musée plus que centenaire, qui descend du musée d’Artillerie, créé sous la Révolution. Quelque 500 000 objets y sont conservés, des objets archéologiques de l’âge du bronze aux armes et équipements des armées d’aujourd’hui, en passant par les armures royales de la Renaissance.

Cette grande variété impose à l’établissement, sans se priver de saisir des opportunités, de définir avec fermeté ses priorités. Celles-ci lui sont dictées par les lacunes que le récolement décennal permet aujourd’hui de mieux cerner, mais surtout par les perspectives qui s’ouvrent à lui dans les prochaines années.

Priorité à l’histoire de la colonisation et de la décolonisation

Au premier rang, s’impose la création de nouveaux espaces consacrés à l’histoire de la colonisation et de la décolonisation, dont nombre de nos concitoyens sont issus et pour laquelle ils se passionnent. Les expositions Algérie 1830 – 1962. Avec Jacques Ferrandez, puis Indochine. Des territoires et des hommes, 1856 – 1956, ont tout récemment permis de poser les bases de ce projet, de présenter l’enrichissement des collections dans ce domaine et de susciter des dons remarquables, comme les deux tentures représentant les batailles de Son Tay et de Bac-Ninh, dans le Nord de l’actuel Vietnam, en 1883 et 1884. Exposées en 2013, elles offraient au visiteur le regard des populations locales sur ces affrontements.

Une collecte liée à l’après 1945

Un autre axe essentiel correspond à l’histoire militaire postérieure à la Seconde Guerre mondiale, de la Guerre froide aux opérations extérieures des premières années du XXIe siècle. L’effort du musée porte ici sur l’acquisition d’uniformes ou d’armes mais aussi, afin de renouer avec une tradition longtemps oubliée, de photographies contemporaines qui restituent les conditions des récents engagements de troupes françaises, à l’instar de celles réalisées par Eric Bouvet en 2009 en Afghanistan.

La part belle aux objets à haute valeur de témoignage

Pour les périodes immédiatementement précédentes, une place croissante est faite aux objets dont l’histoire, l’itinéraire et les détenteurs sont documentés par des témoignages, une correspondance, un journal ou un livret militaire. Peu importe alors leur état de conservation imparfait, puisque ce sont les traces de leur usage, voire celles du combat, qu’ils portent, comme l’appareil photographique qui en 1916 sauva la vie à Maurice Chabetay : ces marques valent témoignage. Tout aussi importantes pour rendre compte des conflits contemporains, sont les pièces qui permettent d’évoquer leurs effets sur les populations civiles, à l’arrière comme au plus près des combats. C’est le cas du masque à gaz pour nourrisson ou Bettchen (petit lit) de fabrication allemande, datant de la Seconde Guerre mondiale, reçu en don en 2013. Lié par son histoire et par sa tutelle à l’institution militaire, le musée de l’Armée tend désormais à devenir, aussi, un musée de la guerre, ou des guerres, dans lesquelles toute la nation est engagée selon des modalités multiples.

En lien avec les échéances commémoratives

D’autres acquisitions résultent de l’actualité ou des circonstances. C’est le cas de celles qu’a générées, au moins indirectement, la commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale, comme les deux dessins réalisés en 1916 par Guillaume Apollinaire. acquis en 2013.

D’une toute autre nature, la tenue complète de fantassin des troupes de marine de 1918 permettra au grand public de mieux comprendre ce qu’était la condition matérielle du soldat en campagne, jusque dans les détails les plus concrets que révèlent les accessoires modestes mais exceptionnellement rares, tant ils sont précaires, de toilette ou de couture.

Une remontée loin dans le temps

Il reste que, ponctuellement, le musée de l’Armée s’attache aussi à compléter ses collections les plus anciennes. La rareté des pièces comparables à celles qu’il conserve déjà, rend ces acquisitions tributaires d’occasions qu’il faut saisir et, au moins autant, de la générosité de ses donateurs comme de soutiens indispensables. Tel est le cas de l’épée « Viking » offerte en 2013 par la Société des amis du musée de l'Armée, qui a pris aussitôt place dans les salles dites « anciennes » ou, plus récemment, de la tenue de cérémonie du maréchal Ney, achetée avec le concours – déterminant – du fonds du Patrimoine et désormais présentée en alternance au château de Fontainebleau et dans les espaces du département moderne.

Autant de perspectives qui renouvellent les approches du fait militaire, croisant les enjeux de l’histoire des matériels et des techniques, de l’anthropologie, de l’histoire des représentations, de l’archéologie… et qui donnent à voir les conflits du point de vue des différents belligérants, sans négliger les alliés et les adversaires. Outre le fait d’offrir au public du musée découvertes et matières à réflexion, elles attirent dans les salles permanentes de nouveaux visiteurs venus d’horizons divers pour des échanges fructueux.

David Guillet, directeur-adjoint du musée