Interview - Martin Motte - Directeur d’études à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE - PSL) et responsable du cours de stratégie de l’École de Guerre
Dans le cadre de la prochaine exposition Napoléon stratège, l’Écho du Dôme a demandé à Martin Motte comment penser la stratégie aujourd’hui.
Interview réalisée par François Lagrange, chef de division de la recherche historique, de l’action pédagogique et des médiations
Qu’est-ce que la stratégie ?
Etymologiquement, la stratégie est l’art de faire avancer une armée. Mais on s’est habitué à utiliser ce terme à tort et à travers : on parle de stratégie d’entreprise, de stratégie de carrière, etc. En somme, on baptise « stratégie » toute articulation des fins et des moyens. Cela revient à brouiller le vrai sens du mot en l’appliquant à des domaines qui n’ont qu’une très vague parenté avec la guerre.
En quoi Napoléon fut-il un grand stratège ?
Napoléon a livré quelque cinquante batailles, soit plus qu’Alexandre le Grand, Jules César et Frédéric II de Prusse réunis, et il les a presque toutes gagnées. Son brio tenait entre autres à son intelligence exceptionnelle de la philosophie de la guerre, comme le montrent ses écrits sur la question réunis et présentés par Bruno Colson sous le titre De la Guerre. L’exposition Napoléon stratège s’attache à rendre ce double aspect du personnage, le théoricien et le praticien.
Les stratèges d’aujourd’hui ont-ils encore à apprendre de lui ?
En apparence non, car les guerres d’aujourd’hui sont très différentes de celles d’il y a deux siècles : non seulement l’armement a changé, mais le cadre sociopolitique et juridique s’est transformé. Toutefois, la transformation des procédés laisse subsister les principes dont ils sont l’expression : qu’on surprenne l’adversaire par une charge de hussards ou par un virus électronique, c’est toujours le principe de surprise qu’on met en oeuvre. En ce sens, Napoléon reste une source d’inspiration stratégique.